Jacques Vergès - Mort Dans une interview au journal Sud Ouest en février 2013, « l'avocat de la terreur » -c'est le titre du documentaire que lui a consacré Barbet Schroeder- disait : « J'aurais dû crever cent fois, mais on m'a raté : un poursuivant qui tombe en panne de voiture, une bombe dans mon appartement alors que je n'y étais pas... ». Jacques Vergès a finalement succombé à un arrêt cardiaque à l'âge de 88 ans. Sans doute aurait-il rêvé d'une sortie plus éclatante. Mais qu'importe, Jacques Vergès a passé sa vie à construire sa légende. Sherlock Holmes avait sa pipe, Vergès c'était le cigare, qu'il ne daignait quitter que pour entrer dans les prétoires pour y plaider la cause de dictateurs sanguinaires, de militants de l'action violente, plus rarement de la veuve et l'orphelin, mais toujours des causes perdues. « Une habitude depuis le jour où le Che m'a envoyé les meilleurs Havane », expliquait-il, un sourire satisfait aux lèvres. Car le roman Jacques Vergès est aussi une fresque historique. Derrière ses choix d'avocat, c'est toute l'histoire, avec sa grande H, comme dirait Georges Pérec, qui se déroule. Pol Pot, le chef des Khmers rouges, le Palestinien Waddi Haddad, dirigeant de la « première multinationale de la terreur », Georges Ibrahim Abdallah, le chef présumé des Fractions armées révolutionnaires libanaise, Carlos, le terroriste vénézuélien, François Genoud, le milliardaire suisse nazi. « Je suis double » Comme les héros de roman, Jacques Vergès aimait à rappeler sa dualité. « Je suis double parce que je suis métis », disait-il pour rappeler ses origines : père réunionnais et consul de France en Thaïlande, mère vietnamienne. Double aussi peut-être en raison d'un frère jumeau, Paul. Ou plutôt, un frère jumeau supposé. On ne sait pas vraiment. Et peu importe sans doute, si ce n'est que le flou des origines confère déjà une tournure romanesque aux prémisses de son existence. Jacques Vergès a passé son enfance et son adolescence à La Réunion. En 1942, il n'a pas encore 18 ans lorsqu'il s'engage dans la résistance. Membre du Parti communiste, il passe ensuite quelques années à Prague à l'époque où la Tchécoslovaquie est l'une des dictatures les plus dures de l'URSS. A son retour, il prête serment et devient avocat en 1955. A la conférence du stage, un exercice destiné à récompenser les jeunes avocats, son éloquence fait mouche, il gagne le concours. La disparition C'est en Algérie que son personnage va prendre de l'ampleur. Il défend des membres du FLN et notamment une militante condamnée à mort qu'il parvient à faire gracier Djamila Bouhireb. Converti à l'islam, il épouse la jeune femme devenue l'égérie de la lutte pour l'indépendance et finit même par prendre la nationalité algérienne. Il va ensuite défendre des fedayins palestiniens qui viennent d'attaquer des avions d'une compagnie israélienne. Et puis un beau jour de 1970, il disparaît, abandonnant femme et enfants. Il ne reparaîtra qu'en mars 1979 à Paris. Où était-il ? Qu'a-t-il fait ? Toujours heureux d'intriguer, il a jalousement gardé le mystère sur cette ellipse, expliquant seulement en guise d'indice qu'il se trouvait alors « très à l'est de la France »... Comme les héros de roman en quête de grandeur, il aura parfois frayé avec l'ignominie. Et à l'image des héros de Dostoïevski, toujours il aura su brouiller les cartes pour se forger une image toute en contradictions. Gaulliste et stalinien, il a défendu avec la même hargne, Magdalena Kopp, l'ancienne compagne du terroriste d'extrême gauche Carlos, et Louise-Yvonne Casetta, la banquière occulte du RPR. Anticolonialiste, défenseur du tiers-monde, il finira par plaider la cause à quelques incarnations de la Françafrique, apportant son soutien à Laurent Gbagbo, après sa défaite à l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire. Il est finalement écarté de sa défense, non sans avoir empoché 100 000 euros avec son confrère Roland Dumas. Jacques Vergès - Mort
jeudi 15 août 2013
L'avocat Jacques Vergès est mort à 88 ans
Jacques Vergès - Mort Dans une interview au journal Sud Ouest en février 2013, « l'avocat de la terreur » -c'est le titre du documentaire que lui a consacré Barbet Schroeder- disait : « J'aurais dû crever cent fois, mais on m'a raté : un poursuivant qui tombe en panne de voiture, une bombe dans mon appartement alors que je n'y étais pas... ». Jacques Vergès a finalement succombé à un arrêt cardiaque à l'âge de 88 ans. Sans doute aurait-il rêvé d'une sortie plus éclatante. Mais qu'importe, Jacques Vergès a passé sa vie à construire sa légende. Sherlock Holmes avait sa pipe, Vergès c'était le cigare, qu'il ne daignait quitter que pour entrer dans les prétoires pour y plaider la cause de dictateurs sanguinaires, de militants de l'action violente, plus rarement de la veuve et l'orphelin, mais toujours des causes perdues. « Une habitude depuis le jour où le Che m'a envoyé les meilleurs Havane », expliquait-il, un sourire satisfait aux lèvres. Car le roman Jacques Vergès est aussi une fresque historique. Derrière ses choix d'avocat, c'est toute l'histoire, avec sa grande H, comme dirait Georges Pérec, qui se déroule. Pol Pot, le chef des Khmers rouges, le Palestinien Waddi Haddad, dirigeant de la « première multinationale de la terreur », Georges Ibrahim Abdallah, le chef présumé des Fractions armées révolutionnaires libanaise, Carlos, le terroriste vénézuélien, François Genoud, le milliardaire suisse nazi. « Je suis double » Comme les héros de roman, Jacques Vergès aimait à rappeler sa dualité. « Je suis double parce que je suis métis », disait-il pour rappeler ses origines : père réunionnais et consul de France en Thaïlande, mère vietnamienne. Double aussi peut-être en raison d'un frère jumeau, Paul. Ou plutôt, un frère jumeau supposé. On ne sait pas vraiment. Et peu importe sans doute, si ce n'est que le flou des origines confère déjà une tournure romanesque aux prémisses de son existence. Jacques Vergès a passé son enfance et son adolescence à La Réunion. En 1942, il n'a pas encore 18 ans lorsqu'il s'engage dans la résistance. Membre du Parti communiste, il passe ensuite quelques années à Prague à l'époque où la Tchécoslovaquie est l'une des dictatures les plus dures de l'URSS. A son retour, il prête serment et devient avocat en 1955. A la conférence du stage, un exercice destiné à récompenser les jeunes avocats, son éloquence fait mouche, il gagne le concours. La disparition C'est en Algérie que son personnage va prendre de l'ampleur. Il défend des membres du FLN et notamment une militante condamnée à mort qu'il parvient à faire gracier Djamila Bouhireb. Converti à l'islam, il épouse la jeune femme devenue l'égérie de la lutte pour l'indépendance et finit même par prendre la nationalité algérienne. Il va ensuite défendre des fedayins palestiniens qui viennent d'attaquer des avions d'une compagnie israélienne. Et puis un beau jour de 1970, il disparaît, abandonnant femme et enfants. Il ne reparaîtra qu'en mars 1979 à Paris. Où était-il ? Qu'a-t-il fait ? Toujours heureux d'intriguer, il a jalousement gardé le mystère sur cette ellipse, expliquant seulement en guise d'indice qu'il se trouvait alors « très à l'est de la France »... Comme les héros de roman en quête de grandeur, il aura parfois frayé avec l'ignominie. Et à l'image des héros de Dostoïevski, toujours il aura su brouiller les cartes pour se forger une image toute en contradictions. Gaulliste et stalinien, il a défendu avec la même hargne, Magdalena Kopp, l'ancienne compagne du terroriste d'extrême gauche Carlos, et Louise-Yvonne Casetta, la banquière occulte du RPR. Anticolonialiste, défenseur du tiers-monde, il finira par plaider la cause à quelques incarnations de la Françafrique, apportant son soutien à Laurent Gbagbo, après sa défaite à l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire. Il est finalement écarté de sa défense, non sans avoir empoché 100 000 euros avec son confrère Roland Dumas. Jacques Vergès - Mort
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